- Mar 25, 2024
Parlons mathématiques... avec les bons mots !
- Geneviève Rainville
- 2 comments
En 2022, j'ai réalisé une SÉRIE d'affiches pour la classe ! Certaines seraient même appropriées sur les murs des CPE et garderies ! Elles se veulent des rappels pour les personnes enseignantes, professionnelles ou éducatrices. En effet, mes lectures m'ont convaincue de l'importance d'utiliser les mots justes et depuis que j'ai remplacé certains termes ou formulations dans mes échanges avec mes petits et grands clients, je constate la force de cette pratique probante. En mathématiques, les mots justes sont souvent nouveaux et nécessitent un enseignement explicite. Ci-dessous, j'introduis mes affiches. Toutefois, l'essentiel de l'information se trouve sur les affiches et non sur cette page de blogue. Je vous encourage donc fortement à vous les procurer... après tout, elles sont gratuites !
La 1ère : préscolaire
Cette première affiche emploie des mots justes, mais certainement déjà familiers pour l'enfant qui les entendra. C'est un premier défi plutôt facile que je vous donne. Prenez conscience des mots que vous utilisez lorsque vous dénombrez avec un ou des enfants afin de valider vos formulations. Ainsi, vous préparez adéquatement le terrain pour la suite !
La 2e : un chiffre... c'est comme une lettre !
Celle-là, je ne vous cacherai pas que je la trouve vraiment, mais vraiment importante. Je constate les méfaits de l'utilisation maladroite des termes "nombre" et "chiffre", et ce, très régulièrement. Bien comprendre ce vocabulaire est essentiel pour bien répondre à diverses questions en lien avec la numération. J'aurais même pu aller un peu plus loin... qu'en est-il du mot "numéro" ? Le numéro, bien que composé de chiffres, ne représente pas une quantité ou une valeur. Une adresse, c'est un numéro. Celui-ci a comme fonction de nous permettre l'identification et n'est aucunement en lien avec la valeur de l'élément. Parlons mathématiques... avec les bons mots !
La 3e : comme il est mignon ce croco...
Je vous vois d'ici écarquiller les yeux en voyant mes bouches de crocodile du côté à éviter. PAS DE PANIQUE ! Je ne considère pas que ce cher croco doive se retrouver à la poubelle. Lisez mon "Pourquoi ?" (sur l'affiche) pour bien saisir son utilité. Ceci étant dit, la problématique que je pointe ici du doigt et bien réelle et répandue. Les beaux p'tits "trucs" paraissent si bien simplifier qu'on est souvent tentés de rester collés dessus. Toutefois, en employant les termes plus scolaires "supérieur" et "inférieur" uniquement quand on les lit dans une consigne formelle aux élèves, on ne leur donne pas l'exposition suffisante pour qu'ils apprennent ces mots. Les occasions de les utiliser sont pourtant plus que nombreuses ! Au-delà de la comparaison de nombres arabes, on peut utiliser ces termes lorsqu'on analyse un problème arithmétique de type comparaison (ex. : "la quantité de bonbons d'Annie est supérieure à celle d'Antoine"), on peut les utiliser lorsqu'on place des nombres sur une droite numérique (ex.: "je mets 12 entre le 10 et le 20, car il est supérieur à 10, mais inférieur à 20"), lorsqu'on complète une suite de nombres ou lorsqu'on parle de géométrie (ex. : "un angle obtus est supérieur à 90 degrés"). Allez ! Essayez donc de dire "inférieur" et "supérieur" quelques fois par jour, juste pour voir ! Je vous encourage d'ailleurs à les associer à un geste significatif pour un certain temps. Il s'agit d'un support efficace pour favoriser l'acquisition de nouveau vocabulaire mathématique, mais qu'on devra progressivement cesser d'utiliser... car évidemment, on ne sera pas là avec nos gestes dans les situations d'évaluation !
La 4e et la 5e : les inséparables !
Ce sont deux affiches inséparables que je vous présente maintenant. L'affiche #5 est de mon cru. Voyez-vous, j'ai fait beaucoup de recherches avant de vous présenter cette idée, car il me paraissait très étonnant qu'une nomenclature n'ait pas déjà été élaborée dans le but de clarifier l'enseignement de la numération et du calcul écrit. J'ai fouillé la littérature, ainsi que des sites que nous utilisons tous et toutes en référence au Québec, comme Allô Prof et Netmath. Eh bien, je suis restée sur ma faim. Je suis frustrée par ce manque depuis longtemps. Alors voilà ma proposition. Elle ne va pas à l'encontre de l'enseignement actuel. Je considère que c'est simplement un ajout qui permettra de clarifier pour plusieurs des concepts cruciaux dans le développement des compétences mathématiques. Pour ce qui est de l'affiche #4, je dois avouer que ce fut longtemps un défi pour moi d'éviter les termes "emprunts" et "retenues" qui étaient d'usage courant à l'époque où j'étais l'élève et qui sont encore aujourd'hui souvent employés. La terminologie à privilégier (parler d'"échanges" ou de "regroupements") est connue dans le milieu de l'enseignement et, j'en suis certaine, de plus en plus fréquente. Je ne pense toutefois pas que ces termes alternatifs soient généralement considérés comme "meilleurs". Pour ma part, c'est en lisant sur le sujet que j'ai été convaincue.
La 6e : nos chers nombres rationnels
Ah, les nombres rationnels ! Le passage d’un monde mathématique qui ne navigue qu’en eaux « naturelles » à celui où l’on traite les nombres rationnels, comme les fractions, est typiquement difficile. C’est donc dire que l’enfant tout-venant sera confronté à une nouvelle réalité mathématique et que cela sera une étape déterminante dans son parcours scolaire. En effet, des difficultés persistantes avec le traitement des nombres rationnels affectent les apprentissages futurs en mathématiques. Ainsi, il est crucial que les fractions soient présentées avec le bon vocabulaire, afin de faciliter la compréhension d’un premier fait incontournable : une fraction, ce n’est pas un nombre sur un autre nombre; une fraction, c’est UN nombre auquel s’associe UNE seule magnitude.
La 7e: une autre sur les fractions !
Ici, j’aborde deux problématiques. La première fait référence à notre manière de LIRE les fractions. Lire avec le mot « sur » est acceptable. Effectivement, ce n’est pas interdit. Toutefois, la version de l’encadré vert est préférable (voir mon encadré « pourquoi ? »). Quant à la deuxième problématique, je dois admettre ne pas encore avoir réussi à complètement éradiquer l’expression « réduire la fraction » de mon vocabulaire. En vérité, ça s’en vient ! Je m’autocorrige, le cas échéant, et j’en profite pour expliquer pourquoi je le fais : « Mmm… je devrais plutôt dire « simplifie la fraction »… parce que, tu sais, la fraction que j’aimerais voir, c’est une fraction équivalente, elle ne sera pas plus petite. On ne veut surtout pas changer la quantité. C’est une fraction qui se situe exactement au même endroit sur notre droite numérique (image à l’appui)… mais j’aimerais qu’elle soit plus simple à lire et surtout à comprendre et donc, on va essayer de trouver la fraction équivalente la plus simple possible ». J’aime illustrer concrètement que la fraction finale est bien équivalente à la première, ce que je peux faire rapidement grâce à Polypad (https://fr.mathigon.org/polypad#fractions). Si vous ne connaissez pas cette application web, je vous invite à la découvrir. Personnellement, j'adore !
La 8e : en eaux « rationnelles », encore !
Je suis moi-même « coupable ». Encore aujourd’hui, il m’arrive parfois de lire un nombre décimal ainsi, sauf si je travaille justement la lecture et l’écriture de nombres décimaux lors de dictées. Dans ce cas, ma lecture est beaucoup plus conscientisée. Dans un autre contexte, j’ai souvent encore tendance à dire, par exemple, « quatre virgule deux centimètres » en lisant le texte d’une résolution de problèmes. Pourquoi est-ce problématique ? Je vous invite à lire mon encadré « Pourquoi » (sur l'affiche) ! Et qu’en est-il du fameux « déplacement de virgule » ? J’ai si souvent expliqué la procédure ainsi, moi aussi… De plus en plus, j’enligne mon enseignement explicite sur la compréhension conceptuelle. Je m’éloigne des mots qui ne font que décrire la procédure. C’est tout un défi ! Cette façon d’expliquer est ancrée profondément et elle paraît si bien fonctionner, car après en avoir parlé, les élèves appliquent le tout rapidement et sans erreurs. Par contre, avez-vous déjà réfléchi au pourquoi, après quelques semaines à ne pas avoir travaillé sur ce concept, les élèves hésitent et ne savent souvent plus dans quel sens ils devraient "déplacer la virgule" ? Lorsqu’on tente d’apprendre en établissant une seule et unique connexion dans notre mémoire à long terme, un « surapprentissage » est nécessaire. La clé à l’emmagasinage et à la récupération dans la mémoire à long terme se trouve dans les connexions multiples. Or, ce déplacement de virgule n’est qu’une connexion (superficielle d’ailleurs) et ne permet donc pas un rappel efficace chez l’élève qui ne parvient pas à générer (seul) d’autres connexions. Ah, la mémoire ! Quel sujet passionnant !
La 9e et dernière : un peu de géométrie
La géométrie. Honnêtement, je suis certaine que les enseignants parmi nous nous donneraient à tous une bonne raclée dans une évaluation sur le bon vocabulaire à employer pour décrire les figures planes et les solides. Pourquoi ? Parce que les enseignants utilisent les bons mots année après année et donc, ce vocabulaire est bien intégré. Intégré, c’est le terme juste, à mon avis. Je ne veux pas dire « connu ». Notamment, je suis la première à dire spontanément « carré » alors que je désigne un rectangle dans un contexte non géométrique. Je ne ferais évidemment pas ça dans un exercice de géométrie, mais admettons que je travaille avec un élève à remplir un schéma qui comprend des rectangles dont la longueur n’est que légèrement supérieure à leur largeur. Je risque fort de désigner un rectangle comme « le carré à droite », voire « la case d’en haut ». Cette affiche, honnêtement, ce n’est pas une discussion. Le vocabulaire dans l’encadré rouge n’est simplement pas bon (sauf pour « rond » qui est acceptable, mais qui n’est pas le terme formel que l’élève rencontrera dans ses exercices papiers et dans ses évaluations). Cette affiche, elle est surtout pour monsieur et madame Tout-le-monde. Nous autres, on est un peu rouillés en géométrie. Si vos enfants ont une quelconque faiblesse langagière, le vocabulaire de la géométrie a bien des chances d’être difficile à intégrer, puisque la géométrie, les jeunes n’en font qu’une partie de l’année… et le reste de l’année, ces mots tombent dans l’oubli. Et si papa demandait à fiston de colorier au feutre les sommets du prisme à base rectangulaire qu’est la boîte de Cheerios ? Et si maman demandait ensuite d’appliquer une translation à cette boîte en sa direction ? Succès assuré ! Allez, les parents ! Faites une place à la géométrie (avec les bons mots) à la maison.
+++ C'est tout. Mais évidemment, je vous invite à télécharger ces 9 affiches et à les mettre en valeur sur vos murs. Elles sont gratuites ! +++
2 comments
Merci beaucoup pour toutes ces explications et ces belles affiches ! Il est important d'avoir un langage commun et d'utiliser les bons termes. Je vais probablement les afficher dans la salle du personnel pour que les enseignants puissent les voir ! :)
Ça fait plaisir Sabrina ! Je suis bien contente que tu songes à afficher ça dans la salle du personnel :D !